Vu leur effort financier en croissance, Etienne Caniard, le président de la Mutualité française souhaite donner un rôle plus important aux complémentaires dans la gouvernance du système de santé. Il y a dorénavant un appel d’urgence. En prenant en considération les objectifs de redressement des comptes publics qu’il s’est fixé, l’exécutif n’a plus le droit de se limiter à combler les vides par de nouvelles recettes et de coupes claires dans les dépenses afin de préserver le principe de solidarité sur lequel se base l’assurance sociale. En 2011, le régime général de la Sécurité sociale a connu un déficit de 17,4 milliards d’euros. Le « trou » de la seule branche maladie a atteint 8,6 milliards. Il faut remonter à 2001 pour observer le dernier excédent de la Sécu. Ce qui a fait que sur la seule période 2007-2011, près de 20 milliards d'euros de nouvelles recettes ont été affectés à la Sécurité sociale. La loi de financement de la Sécurité sociale 2012 a prévu une baisse de 6,5 milliards des dépenses pour faire retomber le déficit sous les 14 milliards.
Etienne Caniard, le président de la Mutualité française dans le cadre des Auditions Privées organisées par le magazine Décision Santé et Le généraliste, explique : « Certes, les déviations deviennent de plus en plus nombreuses, il ne faut pas tomber dans le catastrophisme. Le système fonctionne encore. Cependant, On constate certains signaux inquiétants. Outre le déficit récurrent de la Sécu, l’accès aux soins devient de plus en plus difficile pour les personnes fragiles comme les jeunes, les étudiants et les personnes âgées qui ne peuvent plus s’offrir certains soins. La différence entre les prix mutuelle réels et les bases de remboursement, est un phénomène qui se banalise et s’amplifie. Nous sommes entrés dans une logique d’acceptation de certaines dérives car les limites du système conventionnel ont été atteintes ».
Le gouvernement osera-t-il réellement remettre à plat le système ? Malgré le rôle financier croissant des complémentaires. Une chose est certaine, la Mutualité française, regroupant environ 600 mutuelles, est tout à fait prête à s’engager à condition qu’elle ne se cantonne plus au simple financement des dépenses de santé. En clair, elle souhaite tout simplement avoir à intervenir et montrer son apport sur l’organisation même du système de santé. « Les mutuelles solvabilisent un nombre croissant de dépenses. C’est tout à fait donc évident qu’elles aient leur mot à dire sur la façon dont est financé le système de santé », poursuit-il rappelant que 55% des soins courants étaient pris en charge par l’assurance maladie, le reste étant pris en charge par les complémentaires, les assureurs et les instituts de prévoyance. La proportion de la prise en charge par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) chute à 4% pour les frais d’optique. Pour les soins dentaires, la prise en charge financière se répartie équitablement entre la CNAM, les complémentaires et … les patients.
Il arrive que le principe de solidarité soit bafoué au centre du système, principal interlocuteur de l’Etat sur les questions de santé, est-ce que la CNAM est prête à céder une partie de son pouvoir ? On peut légalement en douter. On peut citer ici les paroles de Vincent Touzé, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : « L’essentiel n’est pas là. Il est flagrant que la CNAM n’a pas des résultats financiers exemplaires. Mais peu importe la gouvernance du système de santé, il faut parvenir rapidement à un équilibre des comptes, car la dette sociale déjà contractée pèsera forcément sur les générations futures et sur la prise en charge financière par l’Etat de leurs dépenses de santé. Cet équilibre doit être atteint de la façon la plus juste possible pour que personne ne soit exclu, en particulier les personnes les plus fragiles. La situation actuelle est un peu hypocrite de ce point de vue car le principe de solidarité est souvent bafoué »,